Le songe d'un promeneur au bord d'un lavoir à Honfleur

C'est un lavoir qu'alimente un filet d'eau sortant d'une gueule de monstre. Une tête de dragon semblable à une gargouille, qui ajoute au caractère mystérieux du lieu. Les eaux des nombreuses sources de la Côte vassale y convergent et s'y mêlent. Je m'approche, j'écoute bruire la vie, et me penche... Je vois le reflet de mon visage. Que dire à son double, sinon la profondeur de son trouble? Il y a là une image qui vit au coeur d'une ville que mon coeur inspiré a tant de fois récitée!
Le lavoir n'est plus qu'un vestige où parfois, à la dérobée, quelque Narcisse trouve le vertige d'un face à face halluciné. Je contemple les linéaments de mon visage, aussi changeant que l'eau avec ses reflets et ses miroirs diaprés. Pêche miraculeuse!
(photo Jean-Yves Loriot (c))
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On ne regarde plus ce petit "vieux bassin" que comme une banale trace du passé. Un élément du patrimoine urbain à conserver, à préserver, à protéger... Point d'âme, point de passé dans ces mots creux et infâmes! L'eau du pays coule en la veine de ce lavoir, mais son coeur est devenu de pierre, tel le rebord qui l'entoure. D'offrandes, il ne reçoit plus que des pierres et des feuilles ramollies. Il est devenu le paisible gardien de ces trésors de fortune. Pourtant, en son fond intérieur, se mêlent et s'agglutinent des parfums. Aux bouts de campagne arrachés s'associent des condiments succulents et parfois même des icônes en métal. Il construit des voyages sur un tapis d'images, de sensations et de contacts. Il erre en écoutant les gens penchés au-dessus de ses bains. Ses ondes et leurs paroles le font vibrer de tous ses sens.

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